AIR

Un film, le récit du destin tragique de cinq sœurs adolescentes, enfermées dans une famille ultra-conservatrice d’une banlieue américaine tranquille des années 1970. L’évocation de la courte vie des sœurs Lisbon à travers le prisme de jeunes adolescents devenus adultes fait de Virgin Suicides un splendide film sur le souvenir et le vide laissé par les absents. Rarement l’adolescence aura été montrée avec autant de justesse : la grâce des premières fois, le poids des conventions, mais aussi la détresse silencieuse qu’elle dissimule. Pour son premier long métrage, Sofia Coppola s’appuie sur une bande originale, capable de traduire le drame intérieur du film. Sans cette musique, le film aurait sans doute perdu une part de sa mélancolie et de sa puissance tragique. Elle confie la composition au duo Air ,Nicolas Godin et JB Dunckel, piliers de la French Touch, alors propulsés au rang de stars mondiales après Moon Safari. Un pari risqué, mais transformé en réussite totale. Inspirés par l’atmosphère romantique et 70’s du film, Air signe une BO qui semble tout droit sortie de cette époque : orgues analogiques, basses rondes, production feutrée rappelant parfois Gainsbourg. C’est aussi un album où leur talent de composition s’exprime pleinement. Loin de l’électro, le duo puise dans une inspiration plus progressive, parfois à la Pink Floyd (Clouds Up, Dirty Trip). Malgré quelques passages sombres (Cemetery Party), la musique reste pudique, toujours guidée par ces lignes de basse profondes qui servent de fil conducteur à l’ensemble. De Playground Love (chantée par Thomas Mars de Phoenix) à l'excellent Dead Bodies ou au bouleversant Suicide Underground, l'album est grave et léger, évanescent et charnel comme le film dont il participe à l'excellence.