Nick Drake

C'est en 1972 que sort "Pink Moon", troisième et dernier album de Nick Drake, dans l'indifférence générale. Une rupture totale avec le style de ses deux albums précédents "Five Leaves Left" et "Bryter Layter", deux disques folk superbes, servis par des arrangements riches: aux nombreuses harmonies complexes, piano, cordes, guitares. Drake y digérait subtilement ses icônes chéries, de Tim Buckley au Van Morrison d'"Astral Weeks", et surtout la scène folk anglaise des Bert Jansch, John Renbourn et autres Fairport Convention. Les ventes sont très décevantes. La faute, notamment, à un Drake à la timidité maladive, refusant les interviews et donnant des concerts catastrophiques. Avec "Pink Moon", il décide de tout balayer. Cet album est réalisé sans prétention, en deux nuits, avec pour seuls instruments: une guitare folk, une voix, parfois accommodées par quelques notes de piano. Un album de onze chansons, des chansons tristes et mélancoliques, sur le thème de l'amour et de l'existence. L’éponyme "Pink Moon" en ouverture, sur laquelle il joue quelques notes de piano (overdub enregistré après ces deux séances nocturnes), donne le ton. Un folk de chambre britannique très singulier et d’une élégance rare, illuminé par un jeu de guitare atypique et par un chant délicat, soyeux, profondément mélancolique. Se succèdent un lot de ballades à tomber, "Road", "Which Will", "Parasite", et la magnifique "Things Behind The Sun". Où une voix enchanteresse et apaisante se pose sur des notes douces et des accords imparables, comment ne pas succomber à la perfection des mélodies, l'incroyable technique du guitariste Drake, la qualité du son, la poésie des textes ... Ce morceau vous transporte, parfois vers une infinie tristesse, mais aussi parfois vers une joie sereine, un monument de beauté. Le reflet d'un esprit torturé qui lui n'aura jamais trouvé l'apaisement. En effet, Nick Drake a eu une vie bien trop brève puisqu’il est mort à l’âge de 26 ans, en 1974, après avoir enregistré trois albums qui, de son vivant, n’ont pas rencontré le moindre succès. "Il appartient à cette famille d’artistes malheureux ou malchanceux dont la notoriété n’aura été que posthume". Un vrai bijou de poésie, un disque qu'on peut écouter toute sa vie. Beau et bouleversant ! Incontournable !